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343 SALOPES – 5 avril 1971

Dans la France de 2011 :

« Moi j’dis : la vie, c’est sacré !

 

« Et puis, il parait qu’à 12 semaines, ils ont un petit cœur qui bat, des petits bras, des petites jambes et qu’ils gigotent… la vie quoi !

 

« Moi, ça m’met mal à l’aise de savoir qu’on fait ça à des bébés.

 

« Et puis, maintenant, y a la pilule et tout ça, alors franchement, la nana qui s’fait mettre en cloque, elle l’a pas un peu cherché non ?

 

« T’imagines toi, si ta mère elle avait dit « non mais en fait, j’veux pas de toi, j’tire la chasse ! » ? T’es content d’être là, non ?

 

« Ouais, bon, en cas de viol, j’dis pas… quoi que, y a quand même l’accouchement sous X non ? Moi j’dis, y a rien de plus beau qu’une mère qui remet son bébé entre les mains d’une autre femme en disant « moi je peux pas m’en occuper, je te le confie ».

 

« Et puis, faut voir ! Parait qu’il y a plus de 200 000 avortements par an. T’imagines le nombre de petits bébés français qui passent à la trappe, pouf comme ça ? Avec tout ces gens qui peuvent pas avoir d’enfant. C’est un scandale !

 

« Et puis les étrangers, eux, ils en font des moufflets. Si ça continue comme ça, on va se faire bouffer tout cru même.

 

« Tiens, la dernière fois, à la télé, y avait un type vachement bien qui expliquait bien tout ça. Il disait qu’on était dans une société qui cultive la mort. Il disait : l’euthanasie, l’avortement, même combat. Que c’était comme la peine de mort (même si franchement, pour des Dutroux et compagnie, j’te la remettrais en route, moi, la guillotine). Que c’est parce qu’on vit dans une société aseptisée.

 

« Il disait qu’on était comme les nazis, on accepte plus ce qui est différent. Les enfants non voulus, les handicapés, les vieux… pff à la poubelle. Il disait qu’on vit dans une société de confort où l’on choisit la solution de facilité et qu’il faudrait mieux accompagner les mamans en détresse plutôt que de les obliger à avorter.

 

« Et puis, faut voir les dégâts que ça fait l’avortement sur les nanas. Elles s’en remettent pas ! Elles disent toutes qu’elles regrettent. Elles en font des dépressions !

 

« T’as déjà vu un avortement ? Non parce qu’y en a des dispos sur Internet. Horrible ! Y a un prof qui a montré ça à ses élèves et il s’est fait viré. Viré pour avoir osé montrer la vérité.

 

« Non parce que, ces connasses de féministes là (si ça tenait qu’à moi, celles là…), elles veulent pas que nous, les mecs, on ait notre mot à dire.

 

« Alors ça ouais ! Pour gueuler qu’elles veulent plus de pognon et nos jobs et se plaindre qu’on est des méchants qui les tabassent, ça elles savent. Mais quand on dit qu’on veut la garde des mômes et que le juge nous les donne pas, hein ?, ou encore quand la nana elle tombe en cloque, qu’elle garde le moufflet et fait banquer le père, hein ? Ben là y a plus personne.

 

« Moi j’dis, avec les moyens qu’y a aujourd’hui, on devrait plus avoir d’avortements. C’est pas normal.

 

 

Il y a 40 ans de ça aujourd’hui,

 

Alors que l’avortement était un crime passible de lourdes peines de prison, voire de mort,

 

Malgré une opinion publique très hostile,

 

343 femmes ont eu le courage de signer la pétition suivante rédigée par Simone de Beauvoir :

 

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France.

 

Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.

On fait le silence sur ces millions de femmes.

 

Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté.

 

De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. »

 

40 ans plus tard, Mesdames*, je m’incline ! Je loue votre courage et je sais ce que je vous dois.

Et je le déclare aujourd’hui, avec toute la force qui m’anime :

« Mon corps n’appartient qu’à moi.

Mon utérus n’est ni au service d’un homme, ni au service d’un dieu ou d’une nation.

J’ai le droit de ne pas vouloir et de ne pas avoir d’enfant.

J’ai le droit de m’habiller comme je l’entends, de montrer mes jambes ou de cacher mes cheveux si je le veux et de disposer de mon corps comme bon me semble.»**

 

Aujourd’hui, la loi française entérine le droit à la contraception et à l’avortement. Mais mon petit préambule est là pour rappeler que ce sont des droits très fragiles qui font l’objet d’attaques frontales ou insidieuses tels que :

*les manifestations « pro-life »,

*le prosélytisme sur Internet ou à l’école ( !),

*les interventions de personnalités influentes religieuses ou philosophiques,

*le lobbying auprès de nos parlementaires ou sénateurs,

*la remise en cause des crédits et subventions des plannings familiaux,

*la fermeture des hôpitaux de proximité et de leurs urgences gynécologiques etc.

 

Les opposants aux droits des femmes à disposer d’eux même sont sur tous les fronts : opinion publique, éducation, législatif… Alors, Mesdames et Messieurs, ne nous laissons pas faire !

 

J’en profite pour rappeler que le droit à l’avortement n’est pas l’apologie de l’IVG contrairement à ce que certains veulent faire croire mais le droit pour les femmes de CHOISIR de mener – ou non – une grossesse à son terme pour des raisons qui leur sont propres.

 

Pour conclure, je salue ici le nouveau manifeste des « 343 » publié dans Libération aujourd’hui qui interpelle : 40 ans plus tard, des progrès mais toujours pas d’égalité réelle et surtout des acquis en danger.

 

Et lorsqu’on lit les commentaires sur les forums de Libé concernant le féminisme et le nouveau manifeste… on comprend que – sans déconner les enfants – la partie n’est pas gagnée !



*Et Messieurs car la pétition a été initiée par Jean Moreau de la rédaction du Nouvel Observateur et soutenue par Charlie Hebdo. Pour la petite histoire, c’est au dessin satirique de Cabu que l’on doit le surnom de « Manifeste des 343 salopes ». De plus, cette pétition a été suivie en 1973 d'un manifeste de 331 médecins se déclarants pour la liberté à l’avortement.

 

**Accessoirement, ni meilleure ni pire que les hommes, je réclame aussi le droit à la stupidité selon la formule de Georges Eliot « Je ne nie pas que les femmes soient stupides ; Dieu Tout Puissant les fit à l’égal des hommes »



05/04/2011
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