Bienvenue en Junglistan

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Du port obligatoire de tentacules dans les RH...

Le travail, c'est la jungle ! Guide de survie en milieu hostile.


Rupture conventionnelle : so unsexy

 

Pour une fois dans mes chroniques, je vais parler boulot et d'un sujet pas sexy du tout : la rupture conventionnelle.

 

Lorsque ce nouveau mode de rupture du contrat de travail est sorti (et au fur et à mesure qu'il entrait dans la pratique) il a suscité plusieurs billets d'honorables d'internautes. Les mots comme « abus », « pressions » ou encore « harcèlement » y étaient monnaie courante. Souvent à juste titre, je dois dire.

 

Mais toute pièce de monnaie a deux faces et j'aimerai, au travers de mon anecdote, vous faire entrer quelques minutes dans mon quotidien tout en nuances de responsable RH.

J'appréhende un peu, je l'avoue. Pour bon nombre de gens, les ressources humaines c'est un peu le 7ème cercle des enfers. Et ceux qui s'y dévouent sont des suppôts de Satan (comprenez : le patronat) qui votent tous à droite (ou au moins MODEM) et adulent le MEDEF, chef du personnel en tête.

 

Hum ! Voyons voir si je peux, l'espace d'un instant, faire toucher du doigt aux lecteurs de passage toute la complexité de la matière (l'humain au travail ! rien que ça !) et faire comprendre mon choix de métier.

 

La scène se passe dans une petite PME du sud de la France. Oubliez les bureaux spacieux tout en moquettes et les jolis tailleurs. Figurez-vous plutôt un bureau sans fenêtre de 6m² dans lequel s'entasse cinq armoires et des papiers partout (hummm ! mon organisation y est peut être pour quelque chose). La seule ouverture donne directement à l'intérieur du quai d'expédition et des hangars frigorifiques (clim assurée en été mais je ne vous raconte pas les hivers avec mon petit convecteur électrique). Adieu la lumière du jour, bonjour les néons.

En guise de tailleur Channel, c'est plutôt jeans, baskets et polaire - même en été !

Bref, ceci posé, imaginez vous une petite nénette (euh... non ! définitivement une grande en fait) camouflée derrière son PC et une belle pile de classeurs en train de vérifier des (tonnes) de bulletins de paye.

Ça y est, le cadre est posé, la scène peut commencer.

 

[Le téléphone sonne. Cixi enlève son crayon de la bouche, déplace une pile de classeurs et de papiers pour attraper le combiné].

« Salut Cixi, c'est Sophie, tu vas bien ? »

[Sophie a le même âge que Cixi (le rivage de la trentaine approche à grands pas) et travaille dans un autre secteur administratif. Après les politesses d'usages, la conversation s'engage : ]

Sophie : bon, Cixi, je pense que t'es au courant. Tu sais que je dois rejoindre mon copain à Dijon...

Cixi : oui oui ! J'en ai entendu parler.

Sophie : bon, tu sais que j'ai vu Gérard le Directeur à ce sujet...

Cixi (attentive) : en effet...

Sophie : bon... alors tu sais que je suis embêtée parce que j'ai donné le préavis de mon appart', que c'est une nouvelle ville où je ne suis pas sûre de retrouver du boulot tout de suite... que financièrement, ça va pas être évident... Bref, j'ai vu avec Gérard pour une rupture conventionnelle mais il ne m'a toujours pas donné de réponse et j'aimerai comprendre ce qui bloque.

[*soupirs* vaste question]

 

Cixi : Effectivement, Gérard m'en a parlé mais nous n'avons pas encore pris de décision à ce sujet. La situation est délicate pour nous. Je comprends bien que tu ne peux pas poser de démission sinon tu risques de te retrouver sans revenus une fois sur place. Mais aujourd'hui, tu travailles à temps plein et on ne peut pas se passer d'une personne à ton poste...

Sophie : ok mais je ne suis pas irremplaçable ! Alors pourquoi vous ne voulez pas faire une rupture conventionnelle comme pour Marie et Betty ?

Cixi : Pour plusieurs raisons : ton départ, ça signifie qu'il va falloir recruter et former une nouvelle personne. Ça va prendre du temps, ça va coûter de l'argent, va y avoir des erreurs, de l'instabilité... Toi tu ne vois que ce que ça coute pour toi, moi je vois tous le reste et franchement, on ne peut pas se le permettre en ce moment.

En plus, ce serait la troisième rupture conventionnelle en moins d'un an. A chaque fois, tu envoies les papiers à l'inspection du travail pour validation. Bonjour les signaux !

Sophie : mais pourquoi ? C'est eux qui donnent l'autorisation ?

Cixi : non ! Eux ne font que vérifier si les papiers sont bien remplies et les conditions de la rupture respectées. N'empêche, ils vont finir par se dire que l'ambiance est pourrie chez Tartampion SA. Et franchement, ce n'ai pas particulièrement envie qu'ils le pensent !

Sophie : Mais Cixi, ça n'a rien à voir ! Je ne reproche rien à Tartampion SA. C'est juste que je veux rejoindre mon copain. Et puis, je ne trouve pas ça correcte de me le refuser alors que vous l'avez accepté pour Marie et Betty.

Cixi : Ben ouais, ça fait aussi partie des problèmes. On est en train de créer toute une série de précédents qui vont finir par devenir ingérable.

Tu te souviens du cas de Marie ? Dés qu'elle a eu fini sa période d'essai, ça s'est méchamment dégradé entre elles et ses collègues de boulot. Toutes les semaines, on avait une nénette en larmes dans le bureau parce qu'elles se faisaient des crasses entre elles. Réunions, mises au point... rien n'y a fait. Au final, nous désapprouvions le comportement de Marie, et de son côté elle détestait l'ambiance de travail. Les deux parties étaient d'accord pour arrêter les frais rapidement. Donc la rupture conventionnelle se justifiait.

Quelques mois plus tard, c'est la meilleure amie de Marie, Betty, qui est venue nous voir parce qu'elle voulait reprendre ses études pour devenir ergothérapeute et donc bénéficier d'une rupture conventionnelle comme sa copine. Déjà, à l'époque, je n'étais pas d'accord parce que nous n'avions aucuns problèmes particuliers avec elle, que ça se passait bien. Tu connais la suite Sophie, n'est-ce pas ?

Sophie : humhum !

Cixi : les problèmes ont commencé à surgir comme par enchantement. Son chef est venu nous voir pour nous dire que la qualité de son travail avait baissé, que son comportement était devenu agressif. Gérard a voulu éviter de se retrouver avec un nouveau cas « Marie » sur les bras et a cédé.

Alors je te le dis franchement, si on accepte pour toi à nouveau, c'est fini ! A chaque fois qu'un salarié voudra partir pour faire autre chose, on va nous imposer une rupture conventionnelle au cri de « vous l'avez bien fait pour Machine, Bidule et Chose ».

Sophie : ouais, je sais... j'y ai déjà réfléchi à tout ça et je comprends votre position.

Cixi : nous aussi, on a réfléchis à ta situation et on sait bien qu'il faut trouver une solution. On a bien conscience que si tu souhaites partir de l'entreprise, ça ne sert à rien de te mettre des bâtons dans les roues. Ça nous ne mènera nulle part, ni pour toi ni pour nous. Est-ce que t'as vu avec Pole Emploi ?

Sophie : oui, j'ai vu avec eux mais je n'ai droit à rien. Pour avoir droit à quelque chose, faudrait que je sois mariée ou pacsée avec lui et ce n'est pas le cas.

Cixi : ouaip... tu as commencé à chercher du boulot sur place ? T'as pris contact avec des entreprises, t'as envoyé des CV ?

Sophie : Pas trop... et puis c'est compliqué de s'absenter pour des entretiens avec la distance, et puis le préavis etc.

Cixi : Ben... pour le préavis et les entretiens, on peut s'arranger. Si tu as besoin d'une lettre de recommandation également. Je ne te cache pas que ça nous ennuie que tu partes au bout d'à peine deux ans chez nous mais c'est justement parce qu'on est content de toi, que ça se passe bien dans ton service...

Sophie : Moi aussi je suis contente chez Tartampion SA et j'y serais restée mais mon copain n'a pas trouvé de boulot dans le sud et moi je veux vivre avec lui. Quoi qu'il en soit, je dois quitter mon appart' en août...

Cixi : ... donc il faut trouver une solution avant fin juin ! Voilà ce qu'on va faire : commence ta recherche de boulot maintenant et fais le point avec ton responsable sur ce que tu fais chez nous. J'en reparle avec le directeur de mon côté. Ne t'inquiètes pas, on va trouver une solution !

[Fin de la conversation, Cixi raccroche]

 

C'est vrai que les ressources humaines, ce n'est pas très sexy. Pour nombre de gens, ce genre de métiers (comme agent du fisc, assureur, huissier ou trader) nécessite la pose de tentacules ainsi qu'une bonne injection d'acide vert bouillonnant dans les veines.

 

Ce serait trop long d'expliquer pourquoi j'ai voulu travailler dans les ressources humaines depuis mon adolescence. Pour faire court, disons que c'est une histoire d'idéaux : que le travail est important dans la vie des gens, que si salariés et patrons se comprenaient tous le monde seraient heureux de bosser, tout ça tout ça...

 

Si vous pensez que cela m'a passé avec l'âge, ben c'est raté !

 

Toutefois, une de mes premières leçons dans ce métier, c'est qu'il n'y a ni méchants, ni gentils au sein d'une entreprise. Ce ne sont pas les vilains puissants patrons contre les gentils faibles salariés. Ni un match gentils, charitables et courageux entrepreneurs VS flemmards et cupides salariés.

 

Et l'anecdote que je vous ai rapporté l'illustre plutôt je trouve. Tous le monde se dépatouillent avec ses problèmes, ses contraintes, ses objectifs. L'essentiel est d'arriver à surmonter tout ça et à faire se rapprocher les intérêts de chacun. Et c'est ce que j'aime dans mon métier : faire en sorte que les intérêts de toutes les parties (employeurs, salariés, administrations, etc.) se rencontrent pour que l'entreprise tourne et que tous le monde mangent à sa faim chaque mois (si ce n'est s'épanouissent et se réalisent tout ça tout ça).

 

Vous voyez... ils m'en restent encore, des idéaux !

 

Je finirai sur des considérations plus générales sur la rupture conventionnelle elle-même et sur des questions de sociétés :

 

La rupture conventionnelle est un dispositif qui peut être utilisé à bon ou mauvais escient et il convient de sanctionner ceux qui en abusent.

 

Je le dis comme je le pense : ceux qui croient que ce dispositif est plan machiavélique du patronat pour se débarrasser des employés gênants à bon compte se trompent (ce qui n'empêche pas que certains l'emploient ainsi mais si on trouve toujours des indésirables pour pervertir les meilleurs dispositifs, inutile de jeter le bébé avec l'eau du bain).

 

D'abord parce que l'employeur doit dans tous les cas faire homologuer la rupture par l'inspection du travail et qu'il doit toujours verser des indemnités de rupture. Les mêmes que pour celles prévues par la loi en cas de licenciement économique. Ce n'est donc pas neutre financièrement ni en matière d'image.

 

Ensuite parce que c'est un dispositif dont le salarié tire tout autant bénéfice. Il met fin à une relation de travail qu'il ne désire plus, percevra une indemnité de la part de son employeur et aura droit aux allocations du Pole Emploi à la différence du démissionnaire qui part « à poil ».

 

Et d'ailleurs, dans le cas de Sophie, n'y aurait-il pas des âmes chagrines pour dire qu'il s'agit d'une démission déguisée, donc d'un abus de la procédure (après tout, l'employeur n'a aucune envie de se séparer d'elle) voire même... d'une fraude aux indemnités chômage ?!

 

Laissons les âmes chagrinent là où elles sont. A mon sens, Sophie a bien le droit de bouger, changer de vie, changer d'entreprise et rejoindre son copain à Dijon. Après tout, j'ai lu quelque part que les Français changent d'emploi tous les cinq ans environ et donc que nous n'avons pas de leçon à recevoir en matière de flexibilité et de mobilité.

 

Ce que je ne trouve pas normal, c'est que Sophie soit obligée de le faire dans l'insécurité, en trichant en quelque sorte.

 

Si les entreprises ont droit à la flexibilité (et je ne suis pas contre !), les salariés devraient avoir ce droit également non ? J'attends le programme politique qui proposera le droit aux allocations chômage pour les démissionnaires (à voir les modalités après...) ça ouvrirait plein de perspectives : on pourrait démissionner sans craintes pour reprendre ses études, changer de carrière ou encore créer son entreprise*...

Ça changerait la vision qu'on a du monde du travail, non ?

 


 

 

*Tiens, encore une anecdote : un ancien salarié, avant la mise en place de la rupture conventionnelle, souhaitait quitter Tartampion SA pour se consacrer à temps plein à la création de son entreprise. A l'époque, son projet n'était financièrement viable que s'il était indemnisé par les ASSEDIC (ce qui excluait une démission ou un congé pour création d'entreprise). Après plusieurs mois, l'entreprise a cédé mais a dû mettre en scène... un licenciement pour faute !

Vous vous souvenez du temps lointain où seul le divorce pour faute était autorisé et où les époux mitonnaient en commun des « preuves » de leurs comportements fautifs respectifs ?

Ben dans le cas de notre salarié créateur d'entreprise, ce fut un peu pareil. On a dû inventer de toute pièce une histoire de retards et d'absences répétées (qui n'aurait jamais tenu cinq minutes aux prud'hommes) en l'échange d'une lettre du monsieur nous demandant expressément de recourir à son licenciement pour faute dans le but de percevoir les indemnités des ASSEDIC. C'est à ce genre de situation juridiquement périlleuse que la rupture conventionnelle a mis fin.

Le salarié est parti content et nous rend visite régulièrement. Aux dernières nouvelles, il a réussi sa reconversion, sa boîte marche très bien dans la région et il a fait un deuxième bébé dans la foulée (^_^).

 

Article publié ici le 10 juin 2010


28/03/2011
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L'art délicat du C.V.

Avec l’annonce du plan présidentiel à destination des jeunes, j’avais prévu initialement de vous faire un petit topo sur les dispositifs de la formation en alternance mais un e-mail tout récent de mon petit frère m’a détourné de cette tâche. Non, non ! Surtout ne regrettez rien, car ce que j’avais écrit était –sommes toutes – assez scolaire (après, si vous insistez vraiment, … ;o)

 

Bref, lundi matin, j’ouvre ma boite mail du boulot et là – surprise ! – je lis un message de mon petit frère, actuellement en 3ème année de licence en économie à Limerick, Irlande (merci au programme Erasmus qui a permis à Fabilhou – fils d’employée et d’ouvrier – de faire une année scolaire à l’étranger). Je vous en livre la teneur :

« Ecoute je profite d'avoir une soeur qui bosse dans les ressources humaines, pour te demander si tu pourrais jeter un coup d'oeil sur mon CV. (Flattée, je suis !)Je t'explique ce CV n'est pas pour un JOB mais pour postuler dans une université pour l'année prochaine. (Mais tant qu’a y être – me dis-je, lisant entre les lignes– autant faire d’une pierre deux coups et prévoir pour ta recherche de job d’été, n’est-ce pas ?)

Voilà, sur le CV je n'ai pas encore ajouté la photo mais je compte mettre une photo en chemise cravate pour info. (A ce passage, je fais une horrible grimace)

Ah oui ! J'ai remplacé [mon] adresse mail, j'ai créé une new adresse pour l'occasion pour [recevoir] les 2 [types] cv !! Elle fait plus sérieuse. (Quand je vous disais qu’il comptait recycler le CV pour sa recherche de job d’été, le petit futé !)

Dis ce que tu en penses !! »

Mon premier réflexe fut d’imaginer mon Fabilhou en costard cravate, lui, l’archétype même du beau gosse méditerranéen. Mais si, vous savez bien ! Ce savant mélange d’Espagne, d’Italie mâtiné de Maghreb avec le cheveu savamment décoiffé immortalisé à grand renfort de gel, la petite chemise noire classe dont les premiers boutons sont dégrafés, le jean qui tombe toujours impeccable agrémenté d’espadrilles ou de tongues qui, sur lui, sont du premier chic quand sur vous, ça fait touriste ! (je m’égare. Je ferai un procès en favoritisme à mes parents plus tard)

 

Bref, donc LUI en costard cravate… Mouahah ! Chaussant mes petites lunettes strictes de recruteur, je me dis qu’il ne sera jamais crédible dans cet état. Au mieux obtiendra-t-il une photo horrible qui le fera passer pour un agent de sécurité. Je remise ça dans un coin de ma tête pour y revenir plus tard.

Quand on y regarde de plus près, le Curriculum Vitae – où CV de son petit nom – est une étape dans la recherche d’emploi que nous avons réussi à transformer en gageure à grands renforts de règles, dogmes et autres archétypes. Sensées nous permettre de décrocher le saint graal (comprenez : l’entretien), ces règles n’ont comme unique résultat que celui d’uniformiser les CV de tous les candidats, les rendre le plus lisse possible.

Ajoutons à cela une particularité bien française : celle de rendre une anodine candidature en un redoutable exercice de résumé dans lequel on vous demande de faire tenir en une seule et unique page la totalité de vos expériences, compétences, formations et autres hobbys. Et attention à ceux qui dépasseraient le fameux standard !

Et je ne vous parle même pas de la lettre de motivation ou – pire – de l’entretien d’embauche qui feront peut être l’objet d’autres billets !

Mouais… en attendant, la préoccupation de mon petit Fabilhou, du haut de ses bientôt 24 printemps, n’est pas de tout faire tenir sur une page mais plutôt d’arriver à en remplir une bien que, loin d’être fainéant, le môme travaille tous les week-ends et toutes les vacances depuis l’âge de 16 ans. Ben oui ! Croyez-vous que les jeans tombent bien sur vous par miracle ? Que nenni ! C’est d’abord parce qu’ils vous ont couté les yeux de la tête et ce même s’ils étaient en solde !

Je double-clique donc sur le CV en pièce jointe de mon frère. Immédiatement après avoir affiché la page, je clique sur l’icône « afficher tout » (ctrl+8 pour les initiés) histoire de voir s’il maîtrise l’art délicat de l’alinéa et de la tabulation. Si vous avez l’occasion d’envoyer des CV par e-mail (ce qui est de plus en plus fréquent), en vérité je vous le dis ! Ne faîtes pas l’impasse sur la mise en page. Rien de plus agaçant que de voir des séries de « barre espace » pour arriver au milieu de la page ! Vraiment, si vous ne maîtrisez pas la mise en page sur office (Open ou MS d’ailleurs), choisissez plutôt d’envoyer votre CV par la poste. Surtout ne partez pas du principe qu’une fois imprimée cela ne se verra pas car si c’est le recruteur qui ouvre la pièce jointe, IL saura (à moins qu’il ne soit également une bille en traitement de texte auquel cas il n’y verra que du feu).

Revenons-en au CV de mon frère. A ma grande fierté, pas de successions de barres espaces chez lui.

Impression générale maintenant. A première vue, l’exercice semble compris. Identité en haut, avec l’âge, l’adresse postale et le mail.

Petit commentaire sur l’idée de mon frère d’ouvrir un nouveau compte email avec une adresse plus « sérieuse ». Si vous souhaitez ouvrir un nouveau compte pour des raisons pratiques comme avoir un email dédié à la gestion de votre recherche d’emploi, alors faites-le. Si c’est parce que vous avez peur qu’on vous juge sur la base de votre email perso, je reste fortement sceptique. En effet, comme je le disais à mon frère, lorsque je regarde un CV, l’adresse email du candidat n’est vraiment pas un critère de sélection. Je vous jure ! En tout cas, pas chez moi.

Le seul moment où je regarde l’email, c’est lorsque je le saisie pour donner une réponse négative. Donc, à ce moment là, vous vous en fichez comme d’une guigne de savoir si je trouve l’adresse sérieuse, immature ou drôle puisque ma décision est prise, n’est-ce-pas ? En tout cas je l’espère pour vous. Et puis, une adresse qui sort un peu de l’ordinaire (et pas genre ker92[at]trucmuch[point]com) je trouve ça rafraichissant, surtout lorsque vous avez examiné 200 ou 300 CV standardisés. Une adresse mail rigolote, personnalisée, c’est un peu montrer de votre humanité.

A l’occasion, réfléchissez à l’importance de montrer votre humanité et votre singularité à quelqu’un pour qui vous n’êtes (par la force des choses) qu’une page dans la grande pile du dossier recrutement. Imaginez le recruteur sourire à la lecture de l’e-mail. C’est sûr que ça ne changera pas sa décision à votre égard (encore que…) mais si vous venez à téléphoner pour connaître les raisons qui l’ont conduit à écarter votre candidature, peut-être prendra-t-il la peine de vous expliquer pourquoi, ou encore de se souvenir de vous pour un autre poste. La mémoire est une chose si bizarre !

 

Même remarque pour la section « loisirs » ou « hobbys » du CV. Vraiment, lorsque vous en êtes à votre 101ème CV, vous ne vous attardez pas sur un «loisir : sport, lecture et cinéma ».

Par contre, si vous écrivez « loisirs : passionnée de handball que je pratique dans mon club de tartampion depuis X ans, je suis également une grande voyageuse dans l’âme. J’ai eu l’occasion de visiter le Maroc, la Grèce et plus récemment la splendide ville de Prague. Par ailleurs, je suis une grande fane de cinéma et en particulier du réalisateur Clint Eastwood » là, vous aurez peut être la chance d’attirer, au choix : le joueur de hand ou le supporteur de l’équipe de hand de France, celui qui a visité Prague ou la Grèce dans sa jeunesse, ou encore celui qui a toute la collection des films de Clint Eastwood.

 

Vous trouvez ça dérisoire ? Détrompez-vous ! J’ai eu l’occasion de passer un entretien d’embauche avec un recruteur qui m’a longuement questionné sur mon goût pour la littérature fantastique. Ce jour-là, nous nous sommes livrés à un examen en règle de toutes les revues littéraires de France sur la question. Voilà comment une gamine de 21 ans a décroché un entretien pour un poste dans lequel elle n’avait pas la moindre expérience. Comme quoi, ça tient à peu de chose parfois.

 

« C’est bien beau mais ça fait pas vraiment esprit de synthèse votre histoire là » m’objecterez-vous peut-être, avec raison d’ailleurs. Et puis, dans un CV, ça ne se fait pas de parler à la première personne ce qui est paradoxal car c’est pourtant de soi dont il s’agit

C’est vrai, mais dans la jungle de toutes ces règles et standards que doit forcément suivre une candidature, est-ce qu’on n’en oubli pas l’essentiel ? Une relation de travail, c’est 1°) ce que vous connaissez, 2°) ce que vous savez faire mais aussi 3)°ce que vous êtes : jovial ou sérieux, fan de ciné ou de boxe, amateur de thé, de café ou de chocolat, aficionados de corridas ou amatrice de littérature fantastique, genre « plagiste » ou bien « costard cravate » … toutes ces choses auront leur importance dans vos relations avec votre patron, avec vos collègues.

 

Alors, le CV, plusieurs pages ou pas ? Tout dépend de ce que vous avez à dire. Si c’est pertinent, peu importe, si ce n’est pas votre style, une page suffira.

De la couleur dans le CV ou pas ? Là encore, choisissez ce qui vous plait et vous ressemble. Vous aimez l’Espagne et ses couleurs vives ? Parez votre CV de rouge, de jaune et de noir. Vous êtes quelqu’un de classique ? Du noir et blanc ou encore du pastel sera tout aussi efficace si vous l’accompagnez d’une mise en page intelligente.

Photo ou pas ? Si vous ne vous aimez pas en photo, ne la mettez pas ! Si vous n’êtes pas costard cravate, inutile de vous déguiser. Vous êtes charmant(e ) et vous pensez que ça peut être un atout, foncez ! Si au contraire, votre éthique vous pousse à dédaigner ce genre de pratique, alors abstenez vous ! Si vous êtes quelqu’un au sourire facile, souriez sinon, évitez ! Juste une remarque : évitez peut être les photos d’identité qui font souvent des têtes de terroriste ;o)

 

Mentionner votre âge ou pas ? Si vous êtes quelqu’un de direct, à l’aise sur la question, faites-le. Sinon, ne le faites pas. Deux options : si le recruteur a des à priori sur les salariés de plus (ou de moins) d’un certain âge, alors que vous l’indiquiez ou pas n’y changera pas grand-chose. Et puis, posez-vous la question : voulez-vous vraiment travailler pour un idiot bourré d’à priori ? L’autre option, c’est que votre âge peut jouer en votre faveur. Pensez par exemple qu’il existe des aides de l’état pour les employeurs qui recrutent des salariés de plus de 50 ans.

Même chose pour le handicap. Aujourd’hui, le mentionner est souvent un « petit plus » dans le CV. Dans le cas contraire, si on vous discrimine parce que vous êtes handicapé, est-ce que ça vaut vraiment le coup de travailler avec quelqu’un qui ne vous acceptera pas ? D’un autre côté, vous ne ressentez peut être pas le besoin de le mettre en avant. Auquel cas, si vous avez le poste, pensez bien à l’indiquer à votre employeur. Ça lui fera un petit bonus pour le paiement de sa taxe pour les travailleurs handicapés et il vous en remerciera, croyez-moi !

 

Bref, vous l’aurez compris, le CV doit vous ressembler. Loin de cet exercice rigide qu’on essai d’en faire, je pense qu’il faut revenir à l’humain. Alors, bien sûr, cela n’empêche pas de vous mettre à la place du recruteur pour voir ce qui est important et éliminer ce qui ne l’est pas.

Par exemple, identifiez clairement les sections « expériences professionnelles », « compétences », « formation », « informatique », « langues » ou encore « hobbys ». Si vous êtes pleinement dans la vie active et avez beaucoup d’expérience, indiquez votre dernier diplôme en date et les formations en rapport avec le poste mais inutile d’indiquer que vous avez eu votre BEPC en 1975 ou votre bac série L en 1980 au lycée Machinchose.

En revanche, si vous débutez, la section « formation » sera forcément plus grande et significative que celle de « l’expérience professionnelle ». Dans ce cas, indiquez les établissements, les options, les enseignements spéciaux que vous avez suivi, les éventuelles mentions, vos éventuels sujets de mémoire. Pour vous, vos atouts seront vos connaissances théoriques donc mettez-les en valeur. Et inutile de gonfler démesurément vos jobs d’étudiants parce que cela se verra à l’entretien (les jobs d’étudiants, c’est surtout bien pour montrer que vous êtes bosseur et que ça ne vous rebute pas de passer « par la petite porte » comme on dit).

 

Parfois, vous débuterez dans la vie sans diplôme et sans expérience professionnelle significative (c’est souvent le cas pour les très jeunes, tous le monde n’a pas la chance d’avoir papa/maman chef d’entreprise). Dans ces cas-là, faites feu de tout bois. Baby-sitting (vous êtes responsable), maçon au black avec papa (vous êtes bosseur), amateur de théâtre (vous êtes à l’aise en public), vous assemblez des PC pour votre entourage (vous êtes autodidacte), vous faites partie d’une association (vous aimez le travail d’équipe), vous tenez occasionnellement la buvette à la foire du village (vous avez le sens du relationnel et vous savez rendre la monnaie), etc. L’essentiel, c’est de faire passer l’idée que vous êtes quelqu’un de ressources qui peut apporter quelque chose à l’entreprise. L’inexpérience, ça passe avec l’âge, promis juré !

 

Bref, le bon CV est un CV qui évolue tous le temps, au rythme de son créateur et en fonction du poste qu’il vise. Le bon CV plait à celui qui l’a fait, lui ressemble et le met en valeur. Le bon CV est d’ailleurs très souvent une construction de plusieurs personnes qui se sont penchées avec sérieux sur la question (genre : « là, tu devrais mettre ça ! » « Tu devrais enlever ça, ce n’est pas utile »).

 

Le bon CV ne vous garantira pas l’entretien à tous les coups, mais si entretien il y a, vous n’aurez alors pas besoin de jouer un rôle. Et si cela devait déboucher sur un contrat en bonne et due forme, alors vos relations de travail débuteront dans la franchise et vous resterez vous-même. Et ça, c’est ce que devrait être une relation de travail.

 

Article édité ici le 27 avril 2009


28/03/2011
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