Bienvenue en Junglistan

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Tout se joue avant deux ans ! (et pas six)

J’avais dans les cartons un super billet sur la lettre de motivation : à quoi ça sert ? Comment s’y prendre ? Quels sont les écueils à éviter ?... encore raté !

 

C’est de nouveau de bébés que je vais vous entretenir.

 

Mais – promis ! – je tâcherai de rédiger cet article sur la lettre de motivation, passage incontournable de tout recrutement. Un exercice qui a le don de transformer tout R.H. en correcteur un brin sadique et tout candidat en élève « bête et discipliné qui applique des consignes sans les avoir comprises et sans la moindre once d’imagination » (ça vous rappelle certains commentaires de bulletin de notes, non ?).

 

 

Dans ma vie antérieure, j’étais exactement ce type d’élève.

 

 

Dans un univers parallèle, je suis une correctrice sadique « tendance garce » armée de son stylo rouge et mes lèvres se retroussent dans un sourire carnassier à chaque commentaire cynique et sanglant que je laisse dans les marges des devoirs.

 

Je sais ! Vous êtes content de vivre dans cet univers là et de savoir que votre progéniture (voire votre chtite-progéniture) est à l’abri de mon stylo vengeur.

 

 

Mais revenons-en à notre sujet : les bébés pour qui tout se joue – non pas avant six ans selon le titre de l’ouvrage de Fitzhugh Dodson – mais avant DEUX ans !

 

Parfaitement !

 

J’ai acquis ma science par une belle journée de pentecôte, assise confortablement dans une chaise de jardin en plastique à attendre l’arrivée des grillades, un verre de Muscat à la main.

 

Surtout, ne surestimez pas l’importance du verre de Muscat dans cette révélation.
 
Car l’important je le répète, c’est les bébés.

 

 
Donc, par une belle journée de pentecôte, nous voici ma petite famille et moi-même dans le jardin d’un copain fraichement papa. Se joint à nous un autre couple d’amis tout aussi fraichement parent.

 

L’arrivée de nos Minipouss respectifs s’est faite à 15 jours d’intervalles, de quoi nous faire tous bien rire.

 

Et ce jour-là, sous l’ombre du palmier, dans la chaleur moite, on ne s’en est pas privé, de rigoler sur ce hasard qui nous a mis toutes les trois enceintes à deux semaines d’écart chacune.

 

Et pendant ce temps, nos lilliputiens – 8 mois de moyenne d’âge – s’évertuaient à rouler bouler hors du « périmètre de sécurité », histoire de vérifier si l’herbe est vraimentplus verte ailleurs, et puis d’abord - question primordiale – quel goût ça a, l’herbe ?! Et est-ce que les petits machins qui gigotent et se tortillent font parti de l’apéro ?

   

Les garçons à la vanille et les filles au chocolat… ou alors c’est l’inverse, je sais plus !

 

On a beau se dire que nos chères (toutes) petites têtes blondes sont uniques, si l’on ôte ses lunettes roses, force est de constater qu’à 8 mois d’âge, rien ne distingue un bébé mâle d’un bébé femelle. Sauf accident, ce sont les mêmes roulés boulés, les mêmes gazouillis accompagnés d’une nette propension à réclamer à ses papilles gustatives un avis circonstancié sur chaque petit truc à porté de main…

 

Tout le problème réside – pour nous, adulte – à ôter nos fameuses lunettes roses (ou vertes à poix violets si vous préférez) car force est de constater que nous voyons du sexe partout ! Enfin… pas CE sexe LA (voyons !)… mais plutôt celui qui nous pousse à recycler nos clichés sexistes à chaque geste de nos progénitures.

 

Et en cette belle journée, entre chaleur, muscat, cigales et bébés, qu’est-ce qu’on en a recyclé comme clichés !

 

Ambiance…

 

Nestor sourit, c’est un tombeur !

 

Alors que Nestor (7 mois et 3 pâquerettes) mange tranquillement, je m’installe à côté de sa mère et la complimente (comme il se doit – bien que tout à fait sincère) sur la mine bienheureuse de son chérubin.

 

Ce faisant, je dégaine mon plus large sourire à Nestor. Rien de plus sympathique que de voir un bébé vous rendre votre sourire. Et très vite, nous voilà, Nestor et moi, à nous sourire à qui mieux-mieux. Et le petit bout de se mettre à rire aux éclats tandis que je poursuis mes compliments à l’attention de la maman.

 

Et la maman de m’expliquer qu’en fait, Nestor est un incorrigible charmeur. Il ne peut s’empêcher de séduire toutes les dames qui croisent son chemin par son sourire enjôleur.

 

Et le papa à côté de renchérir sur le mode « elles sont toutes folles de lui ».

 

Approbation vigoureuse de la maman qui note que – d’ailleurs – Nestor sourit beaucoup plus aux femmes qu’aux hommes. Ben oui, il distingue parfaitement les visages féminins des visages masculins.

 

Et sur ces bonnes paroles, chacun de s’extasier durant la demie heure qui suit sur l’immense potentiel des bébés.

 

Pendant ce temps, Nestor a repéré Siamois le Chat et ne cesse de tendre la main vers lui en lui adressant son plus beau sourire plein de gencives… des fois que la bestiole se laisserait amadouer aussi facilement que les adultes à sa portée.

 

Quel tombeur ce Nestor !

Tigrounette est sage : c’est normal, c’est une fille !

Il faut dire que Tigrounette n’était pas au sommet de sa forme lors de cette rencontre au sommet (haha !)

 

Les dents, ma pauv’ dame !

 

Après trois jours d’affreuses crises de poussées dentaires avec leur cortège de fièvre, bave et mâchouillages frénétiques, Tigrounette – enfin en paix (mais toujours sans quenotte) – a passé la majeure partie de cette journée allongée sur la couverture à même l’herbe, sur le dos, les bras en croix et les doigts de pied en éventail.

 

Elle tournait la tête négligemment de gauche et de droite au gré des roulades de ses petits copains et des éclats de voix des adultes.

 

Parfois, elle saisissait d’une main nonchalante une chinoiserie en pvc aux couleurs criardes qu’elle mâchouillait d’un air absent.

 

Icône parfaite de la coquette qui, tranquille, se dore la pilule au soleil.

 

Seule une fine petite ride présente sous son œil renseigne ses parents vigilants de son état d’extrême lassitude. Exactement la même qui apparait chez l’Homme, son père, lorsque celui-ci est en manque de sommeil. Et qui, sans surprise, était présente chez lui aussi ce jour là car vous imaginez bien que le manque de sommeil est une chose très partagée dans une famille en cas de poussées dentaires de bébé.

 

 

Ceci dit, nous avons répondu avec grâce et sourires aux remarques vantant la tranquillité et la sagesse de notre fille.

 

« On sent qu’elle est sage ! 

 

« Oh oui ! Un vrai petit amour. T’es tranquille toi comme bébé, pas vrai ? Pas comme Philémon… [soupir avec un coup d’œil plein d’amour au petit géant roux qui crapahute dans l’herbe]

 

« Ah mais que veux-tu ! Les petites filles c’est toujours plus sages que les petits mecs.

 

« Ah oui, c’est vrai que c’est sage, une fille ! ça se voit d’ailleurs…

 

Bon, je n’ai pas poussé la lâcheté jusqu’à approuver ces propos mais, n’ayant aucune envie de démontrer par A+B que ma fille – comme toutes les progénitures de ce monde – peut être une parfaite pile électrique, j’ai préféré ne pas polémiquer sur la question.

 

Philémon, force de la nature.

Philémon, 8 mois tout rond, est un grand gaillard roux qui tranche par rapport à ses petits camarades, aussi bien par la flamboyance de sa chevelure que par sa carrure. Il fait déjà une bonne demie-tête de plus qu’eux, fait des efforts méritoires pour se redresser sur ses jambes et donne une impression générale de robustesse à la grande fierté (légitime) de ses parents qui attribuent l’origine de ce phénomène…

 

 

au fait qu’il soit un garçon.

 

La preuve, Tigrounette, bébé fille de son état, était effectivement la plus petite quoi que la plus âgée des trois. La preuve par trois quoi !

 

C’est sûr, quand Philémon sera grand, il sera… ben, grand quoi ! Et il sera fort.

D’ailleurs, il a tout du p’tit gars costaud, ça se voit tout de suite.

 

Des affirmations qui m’ont poussé à vérifier une fois chez moi les courbes de croissance sur le carnet de santé.

 

Non non ! les filles et les garçons partagent bien la même courbe jusqu’à l’âge de 12 ans. C’est seulement qu’à partir de cet âge qu’on les distingue en fonction des sexes.

 

Tigrounette la pipelette

 

Mais voilà que Tigrounette, sortant de sa torpeur vers la fin de l’après-midi, s’avise que le monde existe autour d’elle et décide – dans sa générosité congénitale – de l’entretenir de tout un tas de considérations diverses et variées.

 

Si la sagesse que nous a dispensé Tigrounette ce jour-là est perdue à jamais, il n’en sera pas de même de l’impression de grande blagueuse quelle a pu donner.

 

Oooh, pas qu’elle ait réellement plus babillé que Nestor et Philémon. Disons plutôt que – bizarrement – on l’a remarqué beaucoup plus.

 

Parce que Tigrounette – comme toutes les filles – est une grande bavarde en fait.

Même que non seulement ça s’entend, mais ça se voit dans ses yeux qu’elle a plein de choses à dire.

 

Même que dés qu’elle va savoir parler, elle risque de ne plus jamais s’arrêter !

 

Une vraie petite pipelette qu’elle va devenir, Tigrounette !

 

Remarque, toutes les filles sont un peu comme ça, « d’ailleurs ma nièce qui a cinq ans maintenant… »

 

Le biais de l’observateur…

 

Où de son petit nom en psychologie, « biais d’attribution causale », consiste à attribuer un comportement ou un évènement à des causes, sous la forme d’une sélection de l’information entrant dans le système cognitif ou sortant de celui-ci.

 

-         On surestime volontiers une cause directement visible plutôt qu’une cause dont il faut plus de temps et de réflexion pour l’évaluer.

 

-         On modifie nos jugements en fonction des stéréotypes et des préjugés envers une catégorie d’individus.

 

Et en matière de stéréotypes sur les genres, les psychologues savent d’expérienceS que ça commence dés les premiers jours de la vie.

 

Un exemple :

 

Faites une photo d'un bébé de quelques mois qui pleure.

 

Prenez un groupe d’adultes, montrez leur la photo en précisant que le bébé est un garçon. Puis, demandez leur de deviner les raisons de ses pleures. La majorité répond que Bébé est en colère, ou frustré, ou énervé.

  

Prenez un nouveau groupe d’adultes en précisant cette fois que le bébé est une fille. La majorité répond alors que Bébé est triste, est angoissée ou a peur.

 

Si les expériences en psychologie et notamment sur les biais d'acquisition causale et l'impact des préjugés sexistes en matière d'éducation vous intéresse, je vous recommande ce livre très bien écrit, instructif sans prise de tête.

 

 

Dés leur plus jeune âge, nous projetons sur les enfants qui nous entourent NOS clichés, préjugés et valeurs. Puis lorsque ceux-ci nous imitent et s’y conforment, nous voyons dans leur comportement la justification de ces idées préconçues, un peu à la façon de ce collègue de boulot qui – en parlant de sa fille et de son fils – me disait :

 

« C’est extraordinaire l’instinct ! Regardez, Ines a trois ans et déjà elle veut une poussette pour son poupon, elle est plus câline. Alors que Mathis, lui, n’a jamais cherché à pousser la poussette de sa jeune sœur et était plus brusque…

 

En gros (Warning : Mauvaise Foi (c) Inside), on commence par une pub (Petit Bateau pour ne pas les citer) comme ça :

 

(je confirme : Tigrounette est aussi mignonne que ce qu'elle est robuste, aussi têtue que ce qu'elle est espiègle et cool. Quand à son petit copain Philémon, il est aussi fort que rigolot, aussi cool que mignon. Alors pourquoi cette répartition idiote ??!)

 

Puis, poussée jusqu’à son accomplissement, une telle logique aboutie à des campagnes publicitaires aussi sottes et sans imagination que celles-ci :

 

(Qu'on se le dise, la femme ne travaille pas par ambitions mais par rêve. Et si elle a le goût du rêve, on peut bien la payer en monnaie de singe ! Laissons à Julien ses ambitions, son PC portable, son salaire 25% supérieur en moyenne et sa plus grande facilité à obtenir des promotions...)

 

Mais à ce moment là, il est déjà trop tard !

 

Car tout se joue avant deux ans.

 

***

 

Pour conclure ma conclusion (^_^) :

 

Cette journée de repos ensoleillée fut vraiment charmante et j’en garderai un excellent souvenir.

 

Ce jour-là, nous avons devisé gentiment de choses et d’autres. Au fil de la conversation, j’en suis venue à parler de ce copain – François – qui à trente ans a passé son concours d’infirmier cette année.

 

Lors de l’épreuve orale, l’une des cadres de santé lui a posé une question plus ou moins dans ces termes :

 

« Vous allez entrer dans un univers à 80% féminin. Pensez-vous que les valeurs d’un homme soit compatible avec le travail d’infirmière ? »

 

A quoi mon ami (qui a manqué s’étrangler sur la question) a rétorqué en gros que les valeurs n’étaient pas une question de sexe mais d’éducation.

 

Au récit de cette anecdote, indignation générale de l’assemblée comme vous vous en doutez. Quoi, un homme ne pourrait pas exercer le métier d’infirmier sans un certains nombres de valeurs dites « féminines » ? C’est du délire ! Vous imaginez – vous – si un jury dans une école d’ingénieur posait la même question à une femme ? Ce serait de la discrimination pure et simple !

  

« D’ailleurs, a surenchéri Charlotte (maman de Philémon) elle-même infirmière en gériatrie, être un homme n’est absolument pas handicapant pour le métier d’infirmier.

 

« C’est même souvent le contraire, a-t-elle ajouté. Les hommes sont plus pondérés, plus sûrs d’eux, plus forts… alors qu’entre filles au boulot, on a tendance à se chicaner les unes avec les autres, les hommes calment la situation, ils ont plus de doigté…

  

***

  

C’est pas gagné !

 



26/07/2011
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